L’irezumi,( 入れ墨) qui signifie littéralement tatoo est un style de tatouage japonais qui recouvre une majeure partie du corps pouvant aller du cou jusqu’au milieu des cuisses. Symbole d’opposition, de crime ou de courage. Interdit, puis approuvé et controversé l’irezumi est passé par bien des étapes mais a su perdurer.
Les premières traces de tatouage sur l’archipel nippone remonteraient au 4 eme siècle. A cette époque les Aïnous, peuple qui habitait le nord de l’ile l’utilisaient à des fins esthétiques mais aussi comme identitaire. Les femmes se faisaient tatouer le dessus des lèvres, (qui rendait comme une moustache en fait o.o Mais bon ils devaient trouver ca beau), et les hommes comme signe d’appartenance à un clan. Cependant le tatouage Aïnou n’est aucunement l’ancêtre de l’irezumi.
tatouage ainou
A partir du 6eme siècle au Japon, le tatouage commença à prendre une connotation négative. Déjà à cause du bouddhisme, mais surtout par le fait que les autorités l’utilisaient certaines fois pour marquer les criminels en leurs tatouant le bras ou le front. C’est le début du tatouage infamant; irezumi no kei.
tatouage infamant
Vers le milieu de l’ère Edo tout a commencé à s’accélérer. A cause de l’augmentation du nombre de criminalité dans les grandes villes, les autorités se sont mises à généraliser la pratique du tatouage de criminels en fonction de leurs crimes et afin de les identifier, en espérant endiguer ainsi la criminalité. (Pour info, ce type de châtiment ne sera abolit qu’en 1870).En même temps il existait un autre type de tatouage, celui dit noble et réservé aux héros mais tout ceci était très codifié. Les populations continuaient de voir le tatouage en général comme d’un mauvais œil à cause de son utilisation car indiquait que la personne avait commis un délit.
Vers cette même période le tatouage à usage décoratif et non plus uniquement criminel apparut. Plusieurs choses expliquent ça. On peut compter les anciens criminels, qui une fois libres ne désiraient pas que leurs tatouages les identifient comme malfaiteurs et faisaient refaire un autre tatouage décoratif au-dessus de l’ancienne marque. Cependant l’essor du tatouage et de l’irezumi est venu d’autre part. C’est un roman Chinois, le Suikoden (Eh oué chinois) qui a connu une grande notoriété au Japon qui en est la cause directe.
Comment vous aller me dire ? Patience jeune padawan ! Il se trouve que ce roman raconte l’histoire de 108 bandits (je ne vais pas vous les citer hein, c’est que ça va être long) qui ont le courage et la bravoure de se révolter contre la corruption du gouvernement ainsi que de la cour de l’empereur. Et ce qui nous intéresse ici : Beaucoup d’entre eux avaient des tatouages de tigres, dragons et autre créatures mythiques qui se rependaient sur une majeur partie du corps. Les classes populaires, frustrés alors par le pouvoir shogunal en place, l’utilisent alors comme un moyen d’exprimer leur mécontentement. Les gens se rendaient chez les artistes qui avaient fait les illustrations du roman (sur bois !) et leurs demandaient de reproduire l'oeuvre sur leur corps. Les mêmes outils que ceux utilisés pour imprimer sur bois étaient utilisés pour faire les tatouages sur la chair. (sisi j'te jure ..) C’est d’ailleurs aussi la même encre, l’encre dite Noire Nara , qui une fois sous la peau rend cette couleur typique bleue/verte !
persos du roman suikoden
A l’ère Meiji le tatouage fut interdit mais continua à se pratiquer secrètement, et beaucoup d’étrangers qui débarquaient au Japon étaient fascinés par cette pratique hors la loi et la technique continua à perdurer.
En 1945 , au lendemain de la guerre mondiale, le tatouage fut légalisé mais il continua à avoir réputation et garda une connotation pour ceux qui n’avaient pas cessés de le pratiquer durant sa période de proscription, les Yakuzas .
Beaucoup de japonais associent irezumi et tatouage en général aux yakuzas. Mais pourquoi ? Eh bien les Yakuza seraient en quelque sorte les descendants des Bakutos , des parias, joueurs itinérants professionnelles qui avait l’habitude de se tatouer un cercle autour du bras pour chaque crimes commis. Beaucoup se faisaient tatouer des Irezumi d’ailleurs. Se regroupant en clan au fils du temps, ils ont fini par se joindre au Tekiya, des colporteurs et formèrent une nouvelle organisation criminelle. En plus d’être un héritage, le tatouage a aussi une autre signification. C’est une marque de fidélité au clan et de courage car il est impossible de revenir en arrière. Par contre il ne faut pas croire que les yakuzas courent se faire tatouer, certains au contraire évitent cela justement pour ne pas se faire remarquer.
clan de yakuza tatoués
(j'suis carrément effrayée .. XD)
Un Irezumi c’est long, cher et douloureux. La technique et presque toujours la même que depuis des siècles, certains tatoueurs utilisent un dérmographe mais la plupart continuent à pratiquer et enseigner dans la tradition. Comme outil, le tatoueur utilise une tige en acier inoxydable car stérilisable (anciennement en bamboo mais ce n’était pas très hygiénique) au bout de laquelle sont insérées de multiples aiguilles. Le nombre et la taille des aiguilles diffèrent selon la taille du modèle à réaliser. Il peut en être utilisé de 5-6 à 35-36. Les pigments sont importés mais le tatoueur fabrique certaines encres lui mêmes. Il le reste plus qu’à vous faire piquer avec ces aiguilles et je peux vous dire que ça fait vraiment mal.
Les motifs eux sont restés les même aujourd’hui. Ils sont généralement inspirés des estampes japonaises ou de la mythologie. Les dragons symbolisent la richesse, la carpe Koi est souvent représentée nageant contre-courant comme symbole de force et de courage. La fleur de cerisier, elle, symbolise la brièveté de la vie du fait qu’elle meurt trois jours après son éclosion. Comme dieux, on retrouve souvent Fudo le gardien de l’enfer entouré de flammes. Force du bien, il symbolise la morale.
Les maîtres tatoueurs exercent toujours, mais c’est quand même un peu dur de les trouver, bien que récemment ils soient devenus plus accessibles. En effet on ne cherche pas un Horishi (tatoueur) comme on cherche l’adresse d’un coiffeur. En général le bouche à oreille joue son rôle. Une fois qu’on a ENFIN obtenu son rendez-vous on parle du motif. Au départ sera tatoué le contour (certaines utilisent le dermographe uniquement pour cette étape) Et la colorisation se fait des que le client peut passer. Une fois fini l’artiste signe son œuvre, en général sous le bras ou sur la cuisse. L’apprentissage peut prendre 3, 5 ans et plus. C’est principalement les maîtres qui déterminent si l’élève est assez bon. Un Horishi peut prendre plusieurs élèves, qui soit vivent chez lui, soit viennent 2 à 3 fois par semaines. Au début l’élève est surtout chargé du nettoyage de la maison ou du studio ou sont fait les tatouages. Apres ils apprennent l’étiquette, la façon de stériliser le matériel et la fabrication d’encres. Tout est subjectif, certains laissent leurs élèves commencer à faire des essais, principalement sur eux même après 6 mois, d’autres ne les laissent pas tenir une aiguille avant plusieurs années. Une fois l’apprentissage fini, la tradition veut que le maître rebaptise son élève avec un nom qui contient le son Hori (gravure en japonais) et une syllabe du nom du maître ou un mot significatif. Il arrive qu’un élève reçoive le nom de son maître comme une succession. Par exemple on peut citer Kiroyoshi III.
De nos jours encore le tatouage et l’Irezumi principalement sont mal vues au Japon. Même si les choses changent doucement beaucoup voient cet art d’un mauvais œil. Preuve de cela, des établissements tel que les onsens , bains publiques ou salles de sport interdisent l’accès à des personnes tatoués. La meilleur solution reste de le cacher sous un bandeau ou bandage, mais lorsqu’il s’agit d’ Irezumi c’est bien plus compliqué x)
En bref, pour un Irezumi, il faut bien 3 à 5 ans de travail et ... beaucoup d'argent et de courage !
fiche originale: euffy (ici)
source: ici