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Gaya Tameron: Le Daimon Empty Gaya Tameron: Le Daimon

Lun 18 Mai 2015 - 15:04
Je vous propose de découvrir mon deuxième roman. Il est plus adulte que Le dernier chaman, avec de l'action, de la noirceur, et de l'amour. Bonne lecture et donnez-moi vos avis!

Chapitre 1 : La mort d’Hugo

D’aussi loin que je me rappelle, j’ai toujours eu beaucoup de chance. Durant toute mon enfance, je n’ai jamais manqué de rien, ni d’amour ni d’attention. Mes parents m’ont constamment gâtée. J’étais leur seule fille ! Et en tant que telle, j’étais considérée comme une vraie petite princesse. En grandissant, j’ai progressivement pris conscience de mon statut de privilégiée.
La pauvreté, la violence, la méchanceté, tout cela je l’ai découvert à l’école. Mais cela me semblait presque irréel, ne pouvant jamais me toucher personnellement. Le lycée et l’université ont renforcé mes convictions. Kevin, mon meilleur ami, que je connaissais depuis l’enfance, veillait sur moi tel un véritable garde du corps. Quant à mes trois copines, Katy, Olivia et Ina, elles se moquaient parfois de ma naïveté et de mon côté « fleur bleue ». J’étais entourée, aimée de tous et je considérais que c’était naturel. Ma vie était parfaite et il me semblait qu’il n’y avait aucune raison pour que cela change.
Lorsque j’ai finalement rencontré Hugo, qui devait devenir plus tard mon fiancé, ma bonne étoile était toujours là. Il avait tout du prince charmant des contes de fée. Mes copines étaient folles de jalousie et toutes les filles qui nous croisaient dans la rue m’enviaient. Il m’aimait et je l’aimais éperdument. Il était beau, intelligent, romantique, attentionné et si gentil ! Grâce à lui, ma vie de rêve perdurait ! J’étais heureuse, j’allais finir mes études, et nous allions même vivre ensemble dans une magnifique maison. Le paradis n’était pas très loin !
Malheureusement, cela ne devait pas durer…
Tout a basculé un soir de fin de semaine. Nous sortions du cinéma de notre quartier. Nous venions de passer un moment agréable ; nous étions radieux, collés l’un à l’autre comme si nous ne formions qu’un. Notre amour, nous l’étalions dans la rue, sans gêne. Je ne me faisais jamais prier pour échanger un baiser, quelque soit l’endroit. Peu importait les autres, ils n’existaient pas ; nous étions seuls au monde.
Brusquement, un groupe d’individus masqués a surgi devant nous. Ils étaient quatre, tous de taille moyenne, musculeux et entièrement vêtus de noir. Leur visage se dissimulait derrière des masques d’animaux. La bande se composait d’une hyène, un vautour, un serpent et un dinosaure. Seuls leurs yeux et leur bouche étaient visibles. Ils se montraient menaçant, exhibant leurs armes blanches de type poings américains, sabres, nunchakus et fouet. Ils nous encerclaient. Celui qui semblait être leur chef prit la parole :
- Ton portefeuille, Marigan ! Ou on te descend !
Hugo Marigan, mon fiancé, me pressa contre lui, m’embrassa brièvement sur le front puis me fit passer derrière lui. Face à nos assaillants, il les brava courageusement :
- Comment connaissez-vous mon nom ? Dévoilez votre identité, si vous osez m’affronter à visage découvert !
- Tais-toi, chien, on t’a demandé ton portefeuille, alors tu nous le files et tout de suite ! Sinon, c’est ta poulette qui prendra ! menaça un second.
- Comment osez-vous ! Je vous interdis de la toucher, vermine ! répondit Hugo, hors de lui.
Je ne l’avais jamais vu se mettre dans un état pareil. Croyait-il vraiment être de taille pour s’opposer à ces voyous ?
Le cercle se resserra autour de nous. Ils ricanaient bêtement. Mon fiancé était bien décidé à me servir de bouclier, quoiqu’il arrive. Je l’admirais pour le courage dont il faisait preuve. Leur chef me poussa violement. Je sentis le sol me recevoir sans ménagement. J’ai dû m’assommer car je perdis le fil des évènements durant une minute ou deux. Lorsque je revins enfin à moi, ils s’étaient jetés sur Hugo et le frappaient sauvagement. Horrifiée, j’étais incapable de bouger. Je regardais sans y croire. Mon cerveau fonctionnait au ralenti. Mon cœur battait si fort qu’il couvrait presque le bruit de leurs coups répétés. J’aurais dû intervenir même si je n’avais aucune chance contre ces brutes, mais mon corps était pétrifié et refusait de m’obéir. Le temps s’était-il arrêté ou bien s’éternisait-il juste pour mieux me torturer ? Toujours est-il que j’avais l’impression que jamais ils n’arrêteraient de le rouer de coups ! Pourtant, ils finirent par s‘éloigner, m’ignorant comme si je n’étais plus là. Ils quittèrent les lieux, fiers d’eux et de leur sale besogne. A quatre pattes et pleurant toutes les larmes qui avaient été incapables de sortir jusque-là, je finis par rejoindre Hugo. Il était étendu, sur le trottoir, de vilaines blessures sur tout le corps. Deux énormes mares de sang recouvraient le sol dur. Les yeux mi-clos, il gémissait. Je lui pris la main, doucement, tout en continuant à pleurer. Sentant ma présence, il ouvrit lentement les yeux, tenta de se relever un peu, mais n’y parvint pas. C’était au-dessus de ses forces. Il étouffa un cri de douleur, en se laissant retomber.
- Ne reste pas ici, ma chérie. C’est dangereux pour toi. Rentre à la maison. Tu y seras en sécurité. C’est déjà trop tard pour moi. Tu dois me laisser. Fais ça pour moi, s’il-te-plaît ! Je t’aime et je t’aimerai toujours. Ne l’oublie jamais…, trouva-t-il la force de me dire.
C’étaient ses adieux, rien de plus, rien de moins. Je voulais le supplier de se battre, pour moi, pour nous, de ne pas me laisser. Je voulais lui dire que jamais je ne pourrais vivre sans lui, que je préférais mourir là tout de suite, pour demeurer éternellement à ses côtés. Mais aucun mot ne sortit de ma bouche. Je pleurais tant que cela m’était impossible. Je le vis mourir, dans mes bras, quelques minutes plus tard. Alors mes larmes se mirent à ruisseler comme un torrent que rien ne saurait arrêter. Je hurlais mon chagrin, mon désespoir. Je hurlais, brisant le silence qui m’entourait. La rue déserte, qui avait tout vu, restait impassible. Mes cris, mes suppliques n’y changeaient rien. Ma gorge me brûlait et le froid de la mort s’empara de tout mon corps. Je réalisais que j’étais complètement seule. J’allais devoir trouver la force de vivre nos rêves, sans lui.
Peu m’importaient mes parents, mes amis… Ils étaient devenus inutiles, si Hugo ne faisait plus parti de ma vie !
Je ne pouvais pas supporter cette nouvelle vie que l’on m’imposait. Je me sentais vide, faible, presque morte. Il me semblait que plus rien ne pourrait jamais m’atteindre, maintenant que l’Amour de ma vie m’avait quittée pour toujours. Son corps était devenu lourd et mou ; ses yeux perdus dans le néant semblaient encore me supplier. Je lui baissais les paupières, et l’embrassais une dernière fois. Ses lèvres étaient tièdes, et pour la première fois, elles restèrent insensibles au contact des miennes. Elles deviendraient rapidement si froides, aussi froides que tout le reste de son corps !
Cette seule idée me rendit complètement folle. Je ne pouvais pas le laisser partir ! C’était au-dessus de mes forces ! Il était devenu ma vie, mon avenir et je le voyais brusquement m’échapper ! Ce n’était pas juste ! Nous n’avions pas mérité cela !
Le chagrin, intarissable, et la colère qui me submergeait, me faisaient perdre la tête !
Une voix en moi me disait que les responsables devaient me rendre des comptes, qu’ils devaient payer le prix de ce qu’ils nous avaient faits à Hugo et à moi. Ils ne pouvaient pas rester impunis. Pour les retrouver, je savais que le temps qui passait, et même moi, jouaient contre moi. J’avais besoin d’aide. Je n’avais jamais été particulièrement croyante, mais dans ces moments où l’espoir n’est plus qu’une faible lueur… Sans réfléchir, j’en appelais à lui. Après tout, lui aussi était responsable : en n’agissant pas pour défendre Hugo, il les avait autorisés à le tuer. Il devrait s’en expliquer, et me laisser rendre justice.
Qu’importait le moyen, il ne pouvait pas rester sourd à mon désespoir et à ma soif de vengeance. Je n’avais, de toute manière, pas l’intention de le laisser tranquille tant qu’il ne m’aurait pas donnée ce que je voulais.
- Si tu existes vraiment, viens, je t’attends ! Viens tout de suite et oses soutenir mon chagrin et ma colère. Tu devrais avoir honte de ce que tu as fait à Hugo. Tu n’es rien du tout pour moi. Tu l’as laissé mourir sans rien tenter ! Quand je pense à tous ceux qui croient en toi, malgré les catastrophes, les guerres, … Tu n’es pas un dieu d’amour, tu n’es qu’un monstre ! Tu es pire que le diable ! Et je suis sûre que lui au moins aurait pu sauver mon fiancé ! Allez, arrête de te cacher ! Descends de ton piédestal ! Donne-moi une chance de les retrouver et de venger la mort d’Hugo ! Donne-moi la force d’y arriver ! Je te préviens, je ne bougerais pas d’ici, et je ne me tairais pas, tant que tu ne seras pas là devant moi ! Tu m’entends ? Tout ce que je veux c’est le droit d’agir et de pouvoir rendre justice ! Tu ne peux pas me refuser ça ! Je te donne ma vie en échange ! Sans lui, je n’en ai plus besoin ! hurlai-je, debout dans la nuit, la tête levée vers le ciel.
J’attendais qu’il se montre. A mes pieds, le corps de mon fiancé gisait, indifférent et étranger.
Ce qu’il se passa ensuite, dépasse l’imagination : je me souviens seulement d’un éclair venant de la voûte céleste. Il me percuta sans doute. Je n’ai plus aucun souvenir après ça ! Je me suis sûrement évanouie.
+ + +

Le lendemain, lorsque je rouvris les yeux, j’étais allongée dans notre lit. Le réveil, sur la table de chevet, indiquait 10h45. D’un bond, je me levais. Je n’avais qu’une idée en tête : je voulais trouver Hugo. Je le cherchais partout dans la maison. Mais il n’était pas dans le salon, sur le fauteuil, près de la cheminée ; il n’était pas non plus dans la salle de bains, en train de prendre une douche. Et, dans la cuisine, c’était le même fiasco ! Je revins, en désespoir de cause, dans notre chambre. Je prenais conscience de la dure réalité : j’étais toute seule ! Ma mémoire se réveillait peu à peu et avec elle, le chagrin et la colère. Je n’avais obtenu aucune réponse divine ! J’aurais dû m’y attendre ! J’avais vraiment été stupide de croire que ce serait possible, que je serai entendue et qu’il accèderait à ma demande !
A travers le flot incessant de mes larmes, je distinguais, à peine, mes mains, mais je vis quand même qu’elles tremblaient. Je m’étais assise, sur le bord du lit, la tête dans les mains. Je pleurais toutes les larmes de mon corps, et plus encore, sûrement. J’étais désespérée. Qu’allais-je devenir sans Hugo ? Ma vie venait de perdre tout son sens !
Enchaînant tour à tour les phases de pleurs et de rage, je ne voyais rien. J’avais traversé la maison, comme une âme en peine, un zombie. Les portes que j’avais ouvertes n’avaient pas réveillées la moindre sensation en moi. Pourtant, pas un meuble, pas un tissu, pas un électroménager que nous n’avions choisi ensemble ! Il était partout ! Même son odeur, dans les draps et la salle de bain, flottait encore ! Mais cela, j’étais incapable d’y faire face ! J’étais à peine consciente, comme si tout cela n’avait été qu’un horrible cauchemar ! Si seulement… A nouveau, l’hystérie me submergea. Je me levais, m’arrachant les cheveux et poussant des hurlements de douleur. Je souffrais comme jamais je n’avais souffert ! J’avais mal à en mourir, à en vouloir mourir ! Mes cris aigus, déchirant le silence qui régnait chez moi, brisèrent les vitres de la chambre. J’avais dû crier un peu trop fort ! Mais, je ne pouvais plus m’arrêter ! Tout ce qui était arrivé était si injuste ! Cela ne pouvait pas être la réalité ! Je n’étais pas capable d’endurer pareille souffrance ! C’était beaucoup trop pour moi !
Je tombais sur le côté et roulais sur le lit à plat ventre. Les oreillers firent les frais de mes coups de poing rageurs. Une fois réduits en morceaux, je m’attaquais, debout, aux étagères à côté du lit. Une série de coups violents les brisa. L’armoire à proximité semblait me narguer et je ne sus pas résister. Mes poings frappèrent encore et encore. Ma rage n’avait pas de limite… La salle de bain, la cuisine et le salon subirent bientôt le même sort. Tout ce qui croisait mon regard, je le détruisais. Pure folie, ou plaisir destructeur, je ne voulais pas le savoir. Je me défoulais pour oublier, voilà tout !
Mais cela ne servait à rien. Je ne me sentais pas mieux, pour autant. Lassée, je finis par me calmer. Et je pris en pleine face l’étendue des dégâts que j’avais causés. Le salon était presque entièrement détruit. Un vrai champ de bataille ! Un cadre, intact, attira mon attention. Il était tombé par terre, mais je savais pourquoi je n’avais pas pu le détruire. Inconsciemment, je l’avais épargné parce qu’il était important. Hugo me serrait tendrement contre lui, sur cette photo ; comme j’aimais qu’il le fasse, et comme il ne le ferait jamais plus ! Il me souriait de ce sourire que j’aimais tant ! Je m’effondrais, tombant à genoux, le cadre dans les mains.
J’avais l’impression qu’il était tout près, qu’il m’exhortait au calme ; il me disait que tout cela ne servait à rien, qu’il ne voulait pas me voir ainsi.
Après un long moment sans rien dire, je finis par m’apaiser. Pour me changer les idées, je décidais de faire un état des lieux des effets de ma crise de nerf. Seul le salon avait été épargné, à moitié. Et lorsque je pus constater l’ampleur des dégâts, ce fut comme une révélation. Ma conscience retrouvée me permettait de voir les choses telles qu’elles étaient vraiment. Tout cela n’avait aucun sens. Même la rage que j’avais ressentie ne pouvait expliquer à elle seule cette force surhumaine qui s’était emparée de moi ! C’était comme si un cyclone était rentré à l’intérieur de la maison. Et pourtant, je savais que j’étais l’unique responsable ! Si je fermais les yeux, je pouvais visualiser très précisément tout ce qui s’était passé. Que m’était-il donc arrivé ? Etais-je devenue comme les super-héros de bandes dessinées ? Moi aussi, je possédais une force incommensurable ? Devais-je y voir simplement la réponse divine à mes suppliques ? M’avait-il offert les moyens de mener à bien ma vengeance ?
Je savais que je devais sortir dehors, pour m’en assurer. Aller dans les rues citadines et éprouver ma force, tel était le programme.
Pas une fois, je n’avais croisé mon reflet, depuis mon réveil, et c’est le regard des passants qui attira mon attention. Tous me fixaient d’une manière étrange. Pourtant, Hugo et moi vivions dans le quartier depuis presque deux ans. Tous les voisins nous connaissaient. Certains étaient même devenus des amis. Une amnésie partielle avait dû les frapper durant la nuit ! Il n’y avait pas d’autre explication ! Même Béatrice, qui promenait son chien Lucky, conformément à son habitude à cette heure-ci, me jeta un coup d’œil méfiant. Monsieur Robert qui passait la tondeuse à gazon la salua lorsqu’elle passa devant chez lui, puis il me dévisagea sans pouvoir détacher son regard de moi. Je le saluais poliment, espérant au moins un signe mais il se contenta de détourner la tête et de m’ignorer. Je vis aussi Madame Robert, son épouse, derrière sa fenêtre, qui tricotait, oubliant les heures qui passaient. Monsieur et Madame Lucart se disputaient dans leur jardin et ne me prêtèrent aucune attention.
Troublée par les regards insistants qui me poursuivaient, je me résignais à faire demi-tour. Pressant le pas, je voulais au plus vite rentrer chez moi et trouver un miroir. J’espérais pouvoir m’en procurer un qui serait intact. Quelque chose dans mon apparence les dérangeait ; il fallait que j’en découvre la raison. Impatiente de rentrer, le retour me parut interminable.
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Lun 18 Mai 2015 - 15:32
j aime beaucoup je voudrait bien lire le premier aussi ^^
ps continue comme ca tu ira tres loin ^^
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Lun 18 Mai 2015 - 16:59
Merci, tes compliments me touchent infiniment ! J ’ hésitais beaucoup avant de poster cette histoire mais ton avis est un sacré encouragement ! A bientôt pour la suite!
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Gaya Tameron: Le Daimon Empty Re: Gaya Tameron: Le Daimon

Mar 19 Mai 2015 - 9:32
dr oui fait nous une suite qui casse la baraque ^^
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Ven 29 Mai 2015 - 15:36
Ah toujours aussi talentueuse! Gaya Tameron: Le Daimon 1929717412
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Ven 29 Mai 2015 - 17:34
Quel compliment ! Embarassed Merci Reita ! J’espère que la suite vous plaira !
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Dim 7 Juin 2015 - 18:35
Comme promis voici le deuxième chapitre et comme toujours j'attends vos points de vue avec impatience ! Bonne lecture et à bientôt !


Chapitre 2: Renaissance




Enfin, je passais le pas de la porte. Je me précipitais dans le salon. La commode de ma grand-mère répondrait à mes attentes, j’en étais convaincue. Dans le premier tiroir, j’avais rangé soigneusement les objets lui ayant appartenue. Parmi eux, se trouvait une petite trousse à maquillage incluant un miroir de poche. Fébrile, j’ouvrais ledit tiroir et en sortais le précieux article. Une fermeture éclair et la trousse dévoila son contenu à la manière d’un portefeuille. La glace était noircie par les années ; elle dévoila pourtant mon reflet. Sous l’effet du choc, je la laisser s’écraser au sol.
Je n’étais plus moi ! J’avais tellement changé ! J’avais reconnu mes yeux et mon front aussi, mais tout le reste… Que dire ? J’avais d’horribles cornes, une combinaison couleur goudron qui épousait parfaitement les courbes de mon corps. Je n’avais plus rien d’un être humain. Je commençais à comprendre les réactions de mes voisins. J’étais vraiment effrayante ! Je n’avais rien à voir avec les super-héros ; je ressemblais plutôt aux super-vilains ! Pourquoi Dieu m’avait-il punie ? Avait-il souhaité sanctionner mon attitude envers lui ?
Après tout, peu m’importait. J’étais, à présent, en mesure de venger la mort d’Hugo. Je ne voulais plus qu’une chose : attendre la nuit et enfin tester ma force, sans retenue. Je ne voulais plus attirer l’attention de tous ceux qui étaient humains. Ils ne feraient que me gêner.
Je remarquais les débris de verre à mes pieds et compris qu’il s’agissait en fait du miroir de ma grand-mère ; cela m’attrista. Je devais essayer de le réparer. Je réunis tant bien que mal l’intégralité des fragments et reconstituais son apparence originelle, comme pour un puzzle. Avec un peu de colle, il retrouverait toute sa solidité. Mais j’ignorais que mon corps était capable de nouveaux prodiges : un gel rougeâtre, émergeant de ma main gauche le répara pour moi. Tel un serpent, ce liquide avait agi sur les morceaux, les rapprochant les uns des autres et les noyant jusqu’à ce que le tout soit parfaitement homogène.
Ebahie, j’observais avec attention la paume de ma main. Elle était intacte, si ce n’est un minuscule point vermeil. C’était comme si une aiguille m’avait piquée.
Quel était ce mystérieux fluide ? Que savait-il réparer ? Avait-il d’autres applications ? D’où venait-il exactement ?
J’avais tout l’après-midi devant moi, pour le découvrir. D’un pas décidé, je me dirigeais vers la chambre à coucher. Il y régnait toujours le même désordre post-apocalyptique. Ma main gauche se posa négligemment sur le dormant de la porte. J’étais incapable de quitter des yeux le chaos ambiant. Sans que j’y prenne garde, le mystérieux liquide entra, à nouveau, en action. Il se répandit sur les murs de la chambre, et se propagea progressivement partout dans la maison. J’assistais, incrédule, au phénomène. Tout était réparé, propre et rangé, pièce après pièce. C’était comme si rien n’était arrivé ! Je savais que je devais impérativement en apprendre davantage à son sujet.
Mais je n’avais pas encore tout vu : mes ongles s’impatientaient et frémissaient. Brusquement, ils s’allongèrent comme s’ils s’étaient dressés hors de leur fourreau, puis se rétractèrent, sans aucune raison apparente. J’avais des griffes qui étaient capables de s’allonger ! Elles aussi devaient avoir une utilité. Leur taille avait-elle une limite ? Cinquante centimètres et c’est tout. A n’en pas douter, il s’agissait d’une arme propice aux combats rapprochés. Mes griffes rentraient et sortaient, aussi facilement que chez le chien ou le chat. Chez moi, c’était douloureux mais en même temps, je prenais la pleine mesure de tout ce potentiel à ma disposition. Ces pouvoirs que je découvrais, je savais ce qu’ils me permettraient de faire !
Je voulais tester mes limites. La solidité de mes griffes semblait à toute épreuve ; rien ne leur résistait. Le bois, le plastique, le métal, et la terre cuite, tout ce que j’essayais réaffirmait ma première impression. Juste pour voir, je griffais ma combinaison. Elle se déchira aussitôt, mais le suc vital se répandit au même endroit et répara les dégâts occasionnés. Nerveusement, je lacérais ma deuxième peau, jusqu’à ce que ma peau réapparaisse. Encore une fois, le liquide rouge, semblable à du sang, agit et reconstitua intégralement ma combinaison. J’étais mal à l’aise. Sang ou pas, le mien ou étranger, il faisait de moi un être invulnérable !
Je n’avais pas encore étudié mon autre main. Recelait-elle, elle aussi, un secret ?
Apparemment, oui. Une sorte de tatouage avait été gravé au creux de ma paume. Je l’effleurais délicatement et un objet en jaillit à une vitesse fulgurante. Le plafond de ma chambre venait d’en faire les frais. Deux pointes acérées l’avaient percé. Elles étaient reliées à une chaîne de métal, qui pendait à environ un mètre du sol. Je m’efforçais de les décrocher, en tirant aussi violemment que possible sur la chaîne ; en vain. Visiblement, je n’avais pas la bonne méthode. Je tentais, alors, de la couper à l’aide de mes griffes impitoyables. Le métal émit des plaintes, à plusieurs reprises mais il refusa de céder. Il ne me restait plus qu’à utiliser le fluide. Peut-être serait-il la solution que je cherchais ! Ma paume gauche s’approcha de la chaîne et je vis le sang serpentait autour d’elle, en remontant jusqu’aux pics enfoncés dans le plafond. Et la chaîne et ses crochets tombèrent à mes pieds ! Même le plafond n’en avait conservé aucune trace ! L’objet était devenu aussi rouge que le liquide et il se mit à ramper entre mes jambes. Médusée, je restais immobile, le suivant du regard. Puis, il disparut derrière mon dos. Inquiète, je me retournais afin de repérer où il se cachait. Mais, il restait introuvable.
Soudain, je ressentis une violente douleur au niveau du coccyx. Quelque chose s’était introduit en moi ! Du moins, c’était la sensation que j’en avais ! Et ça battait l’air dans mon dos ! Rapide comme l’éclair, je me saisis de l’indésirable ; je dus me rendre à l’évidence : je possédais une queue ! Les crochets et la chaîne s’étaient accrochés à moi ; ils faisaient dorénavant parti intégrante de mon nouveau corps !
Je n’arrivais pas à y croire. Une queue ! Voilà qui allait m’aider à passer inaperçue dehors ! C’était n’importe quoi ! J’étais bien punie !
Puis je réalisais que ma vie était complètement fichue, alors peu importait ce qu’on pouvait me faire endurer ! Le pire était déjà arrivé : Hugo était mort !
Après tout, cette queue-crochet serait sûrement une arme formidable ! A présent, je n’avais qu’une hâte : m’entraîner à l’extérieur. J’en avais marre de rester confinée à l’intérieur de ma maison. J’étais impatiente de pouvoir prendre ma revanche sur ceux qui avaient détruit mon couple. A cause d’eux, plus jamais je ne pourrais être heureuse ! Ils m’avaient privée de mon fiancé, ils devraient donc en subir les effets ! Et même si je ne contrôlais pas encore mes pouvoirs, ils n’avaient aucune chance contre moi. Le combat pourrait durer des heures entières, je ne me fatiguais pas et je venais de me rendre compte que je n’avais plus besoin de me nourrir. En effet, depuis mon lever, je n’avais rien avalé, sans pour autant avoir faim. Je sentais aussi que la nuit dernière avait été ma dernière nuit de sommeil. Il s’agissait de faiblesses humaines qui ne me concernaient plus ! J’étais devenue un monstre, avec des superpouvoirs ! Seules la haine et la vengeance m’animaient ! Mon chagrin avait dû disparaître au cours de ma transformation ; il me semblait que mes yeux ne savaient plus pleurer.
Cette nouvelle vie supposait des sacrifices : je devrais rester loin de mes parents et de mes amis ; peut-être même leur faire croire que j’étais morte, qui sait ?! Quelle que soit sa durée, je savais que jamais ils ne pourraient comprendre ce qui m’était arrivé. Quoi de plus normal, après tout, ils n’étaient que des humains et pas moi ! Je ne pouvais plus faire parti du même monde qu’eux !
Les heures passaient, interminables ; je commençais à m’agiter. Pour me calmer, je faisais les cent pas.
Lorsque j’aperçus, enfin, par la fenêtre de la cuisine, le jour qui commençait à décliner, je sus que le moment était proche. J’allais pouvoir partir en chasse. La liberté, totale, enivrante m’attendait dehors. Je voulais les traquer et les massacrer.
Un sourire malfaisant se dessina sur mes lèvres et cela me fit mal. Je pouvais encore avoir mal, malgré mes pouvoirs ! Une faiblesse, sans doute, pour que je n’oublie pas mon statut de créature !
Mon cœur s’emballa. Je n’avais pas prêté attention à ses battements, jusqu’à présent. En y repensant, ils me semblaient moins présents qu’avant, quand j’étais humaine. Cela signifiait simplement que j’étais impatiente de m’échapper. Ma queue se mit à battre les secondes, mes griffes s’allongèrent juste un peu, et je sentis quelque chose bouillir dans tout mon corps. J’étais prête ! Je fixais le soleil couchant, attendant le bon moment, durant ce qui me sembla une éternité.
Quand la nuit noire enveloppa la petite ville, plus rien ne pouvait m’empêcher de sortir. Résister était inutile et impossible ! Mes griffes s’élancèrent vers la fenêtre de la cuisine et se recourbèrent afin de l’ouvrir. A peine les avais-je rétractées que ma queue frappa d’un grand coup le sol et me projeta, d’un bond, à l’extérieur. Je n’avais rien prémédité ; tout était purement instinctif. Il me suffisait de penser et mon corps réagissait en conséquence. Cela me donnait l’impression terrifiante d’être coincée dans une boîte qui m’emmenait je ne sais où !
Je me raisonnais pourtant ; me répétant que c’était le seul moyen pour moi de venger Hugo.
De toit en toit, je volais presque. Je me dirigeais vers l’église du centre. J’atterris à son sommet, m’accrochant au paratonnerre qui le surplombait. Quelque chose m’avait attirée ici, malgré moi. Ma queue battait dans le ciel sans étoile, puis, elle finit par s’enrouler, comme celle d’un chat. Je pris une profonde inspiration, humant la fraîcheur nocturne.
Les enseignes des boutiques du coin clignotaient et quelques voitures roulaient dans les rues presque désertes. Pas un piéton qui ne soit sur les trottoirs ; et les maisons étaient toutes endormies.
La nuit allait être paisible. Ma première nuit dehors, sans entrave ! J’avais bien l’intention d’en profiter ! C’était une nouvelle vie qui commençait pour moi !
Et même si je ne comprenais pas pourquoi tout cela m’était arrivé, je devais faire avec, du moins pour l’instant. Dieu m’avait punie en me transformant en monstre, mais il avait laissé mourir Hugo ; nous étions quittes, en quelque sorte.
L’obscurité envahissait mon esprit et l’engourdissait, par la même occasion. Je me sentais désemparée, et déterminée aussi. Peu importait ce qu’il adviendrait de moi, après ; j’étais déjà presque morte !
Soudain, des murmures, qui se transformèrent en voix intelligibles me parvinrent ; puis des images qui se déroulaient devant mes yeux comme un film. J’entendais aussi leurs pensées, lorsqu’ils se taisaient. Ils n’étaient que dix. Ils se préparaient à cambrioler une bijouterie. C’était prévu pour demain, à 16h précise, au moment de la pause du gardien. Parmi eux, je reconnus les voix de ceux qui nous avaient agressés, Hugo et moi. Je les voyais, en retrait, les seuls à porter des masques. Les six autres avaient le visage découvert. Ils semblaient craindre ceux qui étaient masqués. Mais je me moquais bien de savoir pourquoi. Leur déguisement ne les sauverait pas quand ils seraient face à moi !
Je ne pouvais pas supporter de devoir attendre jusqu’au lendemain après-midi pour passer à l’action. Je devais agir maintenant. Je devais les surprendre dans leur repaire.
Comme si j’étais guidée par une sorte de radar interne, la créature que j’étais devenue, s’élança jusqu’à eux. Je les entendais très distinctement ricaner bêtement et se quereller. Subitement, les quatre décidèrent de quitter les lieux. C’était le bon moment pour intervenir, celui que j’attendais. Ils ne devaient en aucun cas m’échapper. Ils devaient subir ma vengeance ! Hugo devait être vengé !
Ils venaient d’entrouvrir la porte lorsque je surgis, tel un félin. Ne leur laissant aucune chance, comme ils l’avaient fait pour Hugo, je me jetais férocement sur eux ; les aplatissant au sol. Ma queue referma la porte derrière moi. Les six voyous ne m’intéressaient pas, néanmoins, ils ne devaient pas me gêner. Mes griffes les attrapèrent tous en même temps et les lancèrent contre le mur du fond. Sans opposer la moindre résistance, ils s’évanouirent.
Je tenais les responsables de la mort d’Hugo à ma merci ! Cette seule pensée me faisait exulter. Je me tenais accroupie sur le dos de deux d’entre eux, étendus et inconscients. Les deux autres essayaient de fuir, en rampant vers la sortie. Comme si je ne pouvais pas les voir !
Je percevais leur peur, les battements affolés de leurs cœurs. Et cela ne faisait qu’attiser ma rage. J’allais pouvoir les faire souffrir autant ils m’avaient faite souffrir en tuant mon bien-aimé !
Mes griffes soulevèrent le plus trapu des deux, celui qui portait le masque de dinosaure. Il eut beau me supplier, la pitié n’était pas dans mon programme ! Mes griffes se resserrèrent autour de lui, jusqu’à ce que ses os se brisent les uns après les autres. Mon plaisir était sans borne ! Il souffrait atrocement, hurlait à plein poumon, puis il finit par se taire et mourir. Mes griffes le relâchèrent. Lui tournant le dos, ma queue munie de son crochet le découpa en tranches grossières. Je voulais que les autres voient ce qui les attendait. Je fis un saut périlleux arrière et pris sa tête entre mes mains d’acier. Puis, je la jetais aux pieds des trois autres face à moi. Ils étaient recroquevillés les uns contre les autres, terrorisés. J’éclatais de rire méchamment. Sans y prêter la moindre attention, des larmes coulèrent le long de mon visage durci. J’avais répandu le sang d’un être humain, son sang m’avait même éclaboussée et je n’avais pas envie de m’arrêter ! Il y en avait encore trois ! Hors de question de les laisser en vie ! Ils avaient vu mon regard plein de haine. Ils savaient que c’était leur tour. Tremblant, ils s’étaient allongés sur le sol, face contre terre ; ils attendaient peut-être que ma colère cesse. Mais c’était impossible ! Jamais plus je ne pourrai retrouver la paix de l’esprit !
Je n’eus aucun scrupule à les soulever tous les trois, les maintenant entre mes griffes acérées. Ils pleuraient, me suppliaient de les laisser en vie. Ils me donnaient la nausée !
- Vous avez détruit ma vie. Je suis là pour vous punir de tous vos crimes ! Jamais plus vous ne tuerez ! leur criais-je, folle de rage.
Ma queue frappa la terre battue et nous nous envolâmes vers le toit, déchirant le plafond, au passage. L’air frais de la nuit aiguisa encore davantage ma soif de vengeance ; et je redescendis à pic écrasant contre le sol mes passagers terrorisés. Et ce fut le même trajet vertical, vers le haut puis vers le bas que je répétais inlassablement, jusqu’à ce que les cris et les pleurs cessent. Les os cassaient et le sang coulait, mais je n’étais jamais satisfaite. Je voulais leur mort, à tous. Lorsque le silence reprit ses droits, je me posais au sol, lâchant leurs restes. Enfin, ils étaient morts et Hugo était vengé. C’était ce qui comptait le plus à mes yeux !
Patiemment, j’attendis le réveil des six autres. Lorsqu’ils reprirent conscience, l’aurore était déjà là. Ma rage ne les concernait pas ; ils ne m’avaient rien fait. Ils n’osèrent pas se relever et restèrent à genoux sur la terre battue, soumis. Je me dressais devant eux, toute-puissante et leur proposait un contrat de confiance :
- Je ne vous ferez rien à une seule condition : vous devez cesser définitivement toute activité hors la loi. Reprenez votre vie en main au lieu de la gâcher bêtement. Agissez en toutes choses, conformément à la loi et à la morale. Et vous n’aurez plus jamais affaire à moi. Mais si vous persistez dans cette voie, je vous retrouverez, vous ne m’échapperez pas où que vous vous cachiez et je vous mettrez hors d’état de nuire, comme eux ! les menaçais-je, en leur désignant leurs infortunés collègues, du moins ce qu’il en restait.
Le message avait été clair et pas uns n’était prêt à le remettre en question. Horrifiés, ils constataient mon œuvre. Le sang sur le sol et les murs attestaient de la violence dont j’étais capable. Des fragments d’os et de chair humaine jonchaient le repaire. Voilà tout ce qu’il restait des meurtriers de mon fiancé !
Le spectacle les pétrifiait sur place. Ils tremblaient de tous leurs membres. Ils étaient incapables de quitter les lieux. Je finis par m’impatienter ; je poussais un rugissement furieux. Je voulais simplement qu’ils aient suffisamment peur pour avoir envie de fuir. Je voulais rester seule. Ne plus les voir. Leur mine d’enfant battu me dérangeait.
Ils se dirigèrent, l’un après l’autre, vers la porte, en reculant, incliné et jurant de changer de vie. Lorsque le dernier passa la porte, je me sentis mieux. Je pris le temps de graver dans ma mémoire tout ce qui s’était passé ici et ce qu’il en avait résulté. D’un bond, je disparus et rejoignis ma maison en seulement quelques secondes.


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Gaya Tameron: Le Daimon Empty Re: Gaya Tameron: Le Daimon

Dim 28 Juin 2015 - 17:19
Pour ceux qui me suivent encore, voici le troisième chapitre. Bonne lecture ! J'attends vos avis, alors n'hésitez pas ! Gaya Tameron: Le Daimon 1929717412 Smile

Chapitre 3 : Prise de conscience


Quand j’ai refermé la porte d’entrée, j’ai brusquement réalisé ce que je venais de faire. Les crimes atroces dont je venais de me rendre coupable, je les avais commis sous l’impulsion de la colère. Ce n’était pas moi ! Et pourtant, j’étais devenue une meurtrière ! Pour Hugo !
Une chose me réconfortait malgré tout : plus jamais, ils ne feraient de mal ; ils avaient été punis, comme ils le méritaient. Ce qui n’enlevait rien à mon chagrin. Il était de retour, comme avant. Je le sentais cet ennemi fidèle qui me rongeait, tel un rat agrippé à un dernier morceau de fromage ! Jamais il ne s’évanouirait. Il veillerait jusqu’à m’avoir consumée totalement. Il assècherait mon cœur et mes yeux, le restant de mes jours. Et lorsque enfin il me quitterait, je serai devenue pour toujours cette bête sanguinaire que je m’efforçais de repousser. Pour le moment, j’alternais entre cette sous-personnalité et ma personnalité de base. Ces changements étaient si brusques et imprévisibles que cela me bouleversait. D’un instant à l’autre, la soif de violence et de sang versé pouvait me reprendre. L’être que j’étais vraiment savait faire preuve de compassion et de regrets ; pas l’autre. J’avais l’impression de devenir complètement folle. Combien de temps ce cauchemar durerait-il ? Mon cœur continuait de battre, à la manière d’un être humain, mais je me sentais plus seule et malheureuse, qu’aucun de mes congénères !
Je regardais autour de moi et je me rendis compte que quelque chose avait changé. Etait-ce moi ou bien la maison ? Je ne m’y sentais plus chez moi ! Je n’avais plus de foyer ! Je n’avais plus droit à ce cocon, qui aurait pu être n’importe où, mais qui signifiait tant ! Je ne serai plus jamais en sécurité nulle part ! Avant, avec Hugo, c’était différent : j’avais cela et plus encore !
En une fraction de seconde, je me jetais sur le lit, à plat ventre sur la couette moelleuse. J’aurais voulu pleurer mais mes yeux restaient secs. Un liquide chaud coula le long de mes joues, comme pour me délivrer de mon chagrin. Ce n’était pas des larmes ; c’était autre chose ! Mais mes pensées m’emmenèrent plus loin. Je venais de prendre conscience d’une vérité qui allait tout changer : Hugo était mort à cause de moi ! Il avait péri pour me protéger. Et je l’avais laissé se sacrifier sans rien tenter, pour le sauver ! Je m’étais montrée lâche et faible ; je n’avais pas su anticiper leurs actions !
Un violent accès de rage m’extirpa du confort du lit. Je me tenais debout, juste à côté et je remarquais, alors, une tache de sang qui avait sali ma couette. D’où venait-elle ?
Mes joues étaient encore humides, je le sentais. Etait-il possible que je pleure des larmes de sang ? En aucun cas, ce nouveau phénomène n’entama ma fureur. J’étais folle de rage contre moi-même ! Tout était de ma faute : sa mort horrible, ma solitude, ma transformation, … tout ! Mes larmes redoublèrent et des flaques rougeâtres se formèrent sur le parquet. Mes bras, mes mains, mes jambes, mon corps tout entier était couvert de sang !
J’avais fait couler le sang, c’était maintenant mon tour d’en verser autant ! Etait-ce le prix pour ma rédemption ? Je n’en voulais pas. Ou plutôt si ; mais je savais que je ne le méritais pas ! J’avais osé franchir la ligne à ne jamais dépasser. J’avais pris des vies humaines pour me venger, pour nous venger, Hugo et moi ! Mais rien n’avait changé, depuis ! C’était même encore pire ! Qu’allais-je devenir ?
Mes émotions devenaient de plus en plus puissantes et me submergeaient. Je me sentais dévastée. J’éprouvais aussi l’envie, à nouveau, de tout casser. Cela ne servirait à rien ! Hugo ne reviendrait pas d’entre les morts ! Et je n’en serais pas moins seule et maudite ! Mes griffes se dressèrent et se retournèrent contre moi. Ma queue écorcha aussi mon dos sans relâche. La douleur était réelle, insupportable et mes hurlements aussi. Mais je voulais mourir et le monstre en moi m’y aidait. Tant mieux, rien ne me retenait ici-bas ! Mourir était ma solution pour retrouver Hugo. Je n’en avais pas d’autre.
Malheureusement, il en avait été décidé autrement. Mes blessures cicatrisaient les unes après les autres, alors que le sang continuait de s’écouler sans que rien ne semble pouvoir l’arrêter. Mes genoux, à présent, baignaient dans ce liquide malodorant et répugnant. Bientôt, je m’y noierai entièrement. C’était peut-être le seul moyen d’en finir avec tout ça ! Peu m’importaient ces pouvoirs ! Ils m’avaient été bien utiles pour me venger, mais maintenant je n’en avais plus besoin. Dieu pouvait reprendre ses « cadeaux » et les offrir à un autre ! Et qu’il me laisse mourir en paix ! Que je puisse enfin rejoindre mon fiancé !
Le niveau de la mare de sang ne cessait de monter. Ma chambre était méconnaissable. Que je le veuille ou non, il entrerait sous peu dans ma bouche et je le goûterai. Mes membres s’ankylosaient progressivement et je n’y pouvais rien. Je me laissais gagner par la torpeur, fermant les yeux en espérant ne jamais plus me réveiller. J’étais lasse de tout, résignée mais sereine. J’avais hâte de quitter ce monde de souffrances. Je ne souhaitais plus qu’une seule chose : reposer en paix auprès d’Hugo.
Mes lèvres entrèrent en contact avec le liquide rouge et son goût me déplût aussitôt. Ce n’était pas du sang. Ma gorge brûlait d’avoir bu ce breuvage imbuvable. C’était comme si j’avais bu du feu liquide, ou même un poison quelconque ! Il pénétrait, à présent, par tous mes pores. Lentement, il poursuivait son chemin. Mon corps tout entier devenait brûlant sous son action inquisitrice ! J’esquissais un sourire, le dernier et la douleur que j’attendais ne vint pas. Je ne sentais plus rien, ni mes griffes, ni ma queue. C’était peut-être ça la mort ! L’absence de sensation juste avant le dernier souffle ! Afin de vérifier mon hypothèse, j’ouvris un œil, puis le deuxième. Mon cœur s’emballa ; un dernier bonheur avant la fin : j’étais redevenue normale. Mes mains, mon visage, tout était humain. J’étais, à nouveau, mortelle ! Il me laissait mourir ! Le liquide se rapprochait progressivement de mes yeux. Une dernière fois, je vis le beau visage d’Hugo. Il me souriait. Il m’attendait. Il me manquait tellement ! J’aurais voulu lui crier que j’allais bientôt le rejoindre, que plus jamais nous ne serions séparés, mais je ne pouvais pas. Délibérément, pour accélérer le processus, je plongeais au fond du liquide clapotant, espérant la mort et son silence. J’ouvrais les yeux, la bouche, pour qu’il m’asphyxie le plus rapidement possible.
Les secondes passèrent, lentes, emplies de mon désespoir. Quelque chose n’allait pas. Les minutes s’écoulèrent mais rien ne vint. Mon cœur aurait dû s’affoler ; au contraire, il battait très lentement. J’espérais que je me trompais. La mort était toute proche et je ne m’en apercevais pas, voilà tout ! Mon cerveau fonctionnait au ralenti, lui aussi. Tous mes sens restaient aveugles. Et Hugo était là ! Mon Hugo ! Il me souriait, il m’embrassait. Je revoyais notre première rencontre, son beau regard vert amande, qui m’avait arrachée le cœur. J’étais bien ! Il me serrait contre lui. Et, brusquement, il disparut. Je n’y comprenais rien. Si j’étais effectivement en train de mourir, j’aurais dû revivre le film entier de ma vie, suffoquer, sentir la vie me quitter doucement ! Mais non, rien de tout ça ! Et pourtant j’étais humaine ! Je ne comprenais pas pourquoi je ne m’étais pas encore noyée. En fait, je flottais, portée par cet étrange liquide. J’étais protégée par quelque chose, une sorte de bulle qui m’enveloppait et s’adaptait à chacun de mes mouvements. D’où venait cette bulle ? Apparemment, elle s’était formée, surgissant de nulle part, au moment où j’étais le plus absorbée par ce qui m’arrivait. La sphère transparente se nourrit de tout le sang et en fit une deuxième sphère identique en tout point, si ce n’est sa couleur d’un rouge flamboyant. Alors que je continuais à flotter dans le vide, à l’intérieur de ma chambre, la bulle rouge décrivit une ellipse en tournoyant de plus en plus vite. Elle était devenue une sorte de satellite et une étoile prit forme au centre de sa révolution. L’étoile grandissait sous mes yeux écarquillés et en jaillit un géant de lumière. Il me semblait que jamais l’étoile ne serait suffisamment grande pour qu’il puisse en sortir entièrement. Et ma chambre non plus d’ailleurs ! Il se contorsionna, passa d’abord la tête, puis son torse et ses deux bras. C’était tout ce qui pouvait rentrer. L’étoile le serrait au niveau de la taille comme une ceinture. Elle avait cessé d’évoluer et ses branches fusionnèrent avec les deux bras du géant. Il se tenait immobile, devant moi et je m’aperçus qu’il n’était pas fait de lumière. J’avais été trompée par l’auréole de l’étoile. C’est elle qui lui avait donné cette apparence superbe et onirique. Il m’avait fait l’effet d’un ange mais il était en fait tout le contraire. Il était recouvert d’écailles, des milliers et des milliers qui réfractaient la moindre étincelle de lumière. A proximité de la sphère écarlate qui persistait dans sa course effrénée, il devenait une statue de rubis. Il avait beau n’être qu’une tête, un buste et deux bras, il me toisait, d’un air grave.
Il claqua des doigts et tout disparut. Ne restaient que le silence et l’obscurité. Ma chambre, ma maison, plus rien n’existait ! Je sentais le froid de la peur glacer mon corps. Que me voulait-il ? Qui était-il ?
Je ressentais de la frustration, de la curiosité mais surtout de la colère. Il m’avait empêchée de mourir. Quelles que soient ses raisons, il était intervenu, sans se préoccuper de ce que moi, je voulais. Et je détestais son air arrogant. Je me moquais bien de ce qu’il était ; il ne me faisait pas peur !
Sa carapace noirâtre reflétait encore l’infime lueur qui avait résisté à la nuit. Je ne pouvais pas détacher mon regard de lui. Son attitude m’insupportait mais, en même temps, il m’intriguait, m’hypnotisait presque. Tout chez lui respirait la force, la puissance ! Sa présence imposait d’office le respect ! Son visage sans défaut était recouvert, lui aussi, d’écailles. Ses yeux blancs, sans iris, me firent penser qu’il était peut-être aveugle. Il n’avait ni bouche, ni oreille, ni nez. Cette créature était-elle un extra-terrestre ?
Lorsque j’entendis une voix dans ma tête, je mis fin à mes hypothèses.
- Astrella Zanc, je ne veux pas que tu meurs. Je ferai tout pour que tu reprennes goût à la vie. Lorsque ce sera chose faite, tu auras une dette envers moi. Mais, pour l’instant, j’ai une proposition à te faire. Tu as dû remarquer que tu étais redevenue humaine. Tu n’as plus aucun pouvoir ! Je suis au courant pour ton fiancé. Je sais que rien ne peut soulager la peine que tu ressens. Alors, j’ai décidé de t’offrir un cadeau : tu as droit à une semaine sur une île paradisiaque, loin de tout, et déserte, avec ton bien-aimé. Il te sera rendu, vivant, et vous pourrez faire tout ce que vous voudrez. Ce sera sept jours sans aucune ingérence de ma part. Quoiqu’il arrive, vous serez seuls au monde. Il n’y aura qu’un seul interdit : vous ne devez en aucun cas quitter l’île. Je n’accepterais aucune exception ; si vous me désobéissez, vous en subirez les conséquences ! A la fin du séjour, ton fiancé me sera rendu et tu devras me céder quelque chose en échange. Acceptes-tu ma proposition ?
- Oui, j’accepte !…
J’étais prête à tout pour le revoir, le serrer dans mes bras, sentir la chaleur de son corps.
- Et acceptes-tu de prendre un engagement envers moi ? Mon cadeau a un prix. Quelle que soit mon exigence, me donneras-tu ce que je demanderai ?
- Oui, je m’y engage !...
Peu importaient les conditions. J’allais vivre à nouveau avec Hugo, durant toute une semaine ! Il serait tout à moi ! Sur une île de surcroît ! Nous serions comme Adam et Eve, seuls au monde, vivant ensemble, au-delà de la mort !
- Très bien. Scellons le pacte. Viens sur ma main.
Joyeuse, impatiente, et excitée, je ne tenais plus en place. Sans hésiter une seule seconde, je m’élançais et la bulle me transporta jusqu’à sa main de géant. A son contact, elle éclata comme une simple bulle de savon ; je me retrouvais, minuscule, sur une plate-forme plus dure que la plus dure des roches.
Délicatement, il fit courir un de ses doigts, dans mon dos. Puis, je sentis une aiguille piquer mon épaule gauche. Mais ce n’était pas une simple piqûre ! Elle s’enfonçait profondément, heurtant parfois mes os et poursuivant son chemin, encore plus loin. Je ne m’attendais pas à tout ça, mais ça n’était rien en comparaison avec ma journée et la mort d’Hugo. Je sentais dans ma chair la douleur, la déchirure, mais en réalité, j’étais comme anesthésiée ! J’aurais pu endurer bien pire pour cette semaine avec Hugo ! L’aiguille me marquait au fer rouge. Je sentais sa brûlure insupportable, mais que j’acceptais sans me plaindre ; pour revoir Hugo ! L’ouvrage avait besoin de temps et lorsque ce fut la fin, il me dit :
- Bien. A présent, tu es saignée par mes soins. Tu ne pourras jamais oublier notre pacte. Tiens-toi prête, je t’envoie sur l’île ; ton fiancé t’y attend.
J’ai surpris une étrange lueur dans son regard, quand il a dit que jamais je ne pourrai oublier le pacte. Cela aurait dû me faire peur, mais je ne pensais qu’à une seule chose : j’allais revoir Hugo. Mon esprit avait perdu toute faculté d’analyse.
Cet être surhumain, inhumain ne m’avait donné aucun nom. Pourtant, ses pouvoirs incroyables le criaient pour lui. Il était Dieu ou un dieu. Il avait répondu à mon appel et il m’offrait des vacances paradisiaques avec celui que j’aimais. Je n’avais aucune raison d’étudier la question. Tout était clair dans ma tête.
Il claqua des doigts, une fois encore, et je partis loin de sa main de géant. Le voyage fut presque instantané. Je n’en ai rien vu ou presque. Quelques lumières vives et colorées qui défilaient autour de moi et c’est tout. Le tourbillon de poussière m’emporta loin, très loin de chez moi. Je n’espérais qu’une seule chose : ne pas avoir été trompée ! Tout avait été si rapide ! Mais je voulais croire que tout ceci était possible ; j’en avais tellement besoin !
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Mer 25 Mai 2016 - 15:09
ca casse vraiment la baraque lol ^^ j adore tjr autant continu ^^
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Mer 25 Mai 2016 - 21:56
Merci beaucoup : )

Je posterai la suite alors !
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Lun 30 Mai 2016 - 11:18
dr ^^ oui j'ai hate de la lire ^^
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Jeu 2 Juin 2016 - 15:59
En avant pour le chapitre 4 et bonne lecture à tous ceux qui prendront le temps de le lire !


Chapitre 4 : Vacances


Je ne me souviens pas de l’atterrissage. Me voici allongée dans le sable. Les vagues, dans un va et vient mélancolique, viennent lécher le bord de la plage.
D’un bond, je me lève. J’ai du sable plein mon jean et mon débardeur. Je les en débarrasse autant que possible. À l’aveugle, je m’applique à arranger mes mèches rebelles. Je sens le sable dans mes cheveux et dans ma bouche.
Je désire me rendre au moins présentable. Pour Hugo ! Un jour s’est écoulé depuis notre séparation brutale, et pourtant, il me semble que cela fait une éternité ! Je veux qu’il me trouve jolie, pour nos retrouvailles.

Bordée de palmiers royaux, de bananiers et de cocotiers, la plage s’étend sur plusieurs kilomètres. La mer se pare d’un bleu vert éblouissant ; elle inonde l’horizon. Devant moi, à perte de vue, du sable. Je place une main au-dessus de mes yeux pour mieux voir, tout en me protégeant de la lumière trop puissante. Hormis les ombres de la végétation qui se reflètent sur le sol granuleux et scintillant, je suis seule. J’avance, pleine d’espoir, parcourant près de deux kilomètres, droit devant moi. Mais toujours rien. Je refuse néanmoins de capituler, je fais demi tour, longeant toujours la mer. Je marche aussi vite que possible, espérant toujours une apparition ; celle que j’attends fébrilement. Pour tout horizon, toujours le même paysage, paradisiaque mais dépourvu de vie. Mon enthousiasme s’émousse et la réalité me rattrape. Je sens mon cœur se briser, sous la déception. M’a-t-on trompée ? Où se trouve Hugo ? Je ne peux pas y croire. Je ne veux pas y croire ! ... Pourquoi ? Des larmes brûlent mes yeux et coulent le long de mes joues. Je me sens trop malheureuse pour les retenir. Je tombe à genoux, anéantie, la tête entre mes mains. Je pleure à chaudes larmes, maudissant cet être cruel qui s’est joué de moi et de mes sentiments.

Soudain, je perçois un bruit de feuillages que l’on écarte. La forêt, derrière moi, ne se situe qu’à une dizaine de mètres. Immobile, j’écoute les pas se rapprocher de moi. Mon cœur se met à battre de plus en plus vite. Animal ? Humain ? Après tout, peu importe. La mort peut bien me prendre, je l’attends. La vie sans Hugo n’a aucun sens.
Une main touche les miennes. Je reconnais aussitôt la douceur et la chaleur de la peau. Mais je refuse d’y croire ! Je dois rêver ! L’inconnu me prend dans ses bras et son odeur m’inonde. C’est lui ! Il n’y a plus aucun doute à avoir ! J’ouvre les yeux, m’écarte un peu, relevant la tête. Les yeux écarquillés, la bouche ouverte, les larmes redoublant de plus belle, je vois Hugo devant moi ! Il se tient là, accroupi, me souriant, il a l’air en pleine forme !

Folle de joie, je me jette sur lui et nous tombons tous deux à la renverse. Il me serre contre lui, ses bras enroulés autour de ma taille. Nos lèvres s’unissent en un baiser brûlant. Je reconnais sa bouche, ses mains impatientes qui me pressent contre son corps, de plus en plus fort. Je comprends alors que rien n’a changé entre nous et que même la mort ne peut nous séparer. Nous sommes les mêmes qu’avant, amoureux fous ! Nos baisers gagnent en intensité et alimentent le feu de notre passion. Nous avons tous deux faim de la peau de l’autre ! Il me renverse doucement sur le côté et m’allonge sur le sable. Appuyé sur son coude, il caresse du bout des doigts mon visage, mes cheveux, l’air subjugué. J’aimerais rester ainsi jusqu’à la tombée de la nuit ! Lorsque je le vois changer d’attitude, réfléchissant, je comprends qu’il n’en est pas question. D’un bond, il se lève et me tend la main pour m’aider, galamment, à faire de même. Riant, heureux, nous courons main dans la main, jusqu’à la mer qui s’offre à nous. Sans penser à ôter nos vêtements, nous plongeons de concert dans la douceur de l’eau turquoise et chaude. Sous l’eau, les yeux ouverts pour ne rien rater du spectacle, nous regardons les poissons se faufiler entre nous. C’est vraiment incroyable ! Lorsque nous refaisons surface, nos vêtements trempés, ruisselant d’eau de mer, deviennent rapidement gênants. Ils pèsent trop lourds et deviennent inutiles. Nous sommes seuls, loin de toute civilisation, avec les poissons pour seuls spectateurs. Ebranlés par le désir qui a repris ses droits, nous nous déshabillons précipitamment, déchirant les tissus qui résistent. Une fois nus, Hugo lance ces indésirables sur le sable, à quelques mètres de là.

Il m’enlace à nouveau contre lui et nos deux corps s’épousent comme deux pièces destinées à s’emboîter. Nous nous retrouvons enfin ! À nouveau, je peux goûter sa peau, si douce ; le soleil qui irradie de sa lumière la baie a réchauffé son corps musculeux. Son parfum naturel se mêle à merveille au sel de mer !
Nos doigts entremêlés et nos lèvres jointes, nos deux corps plongent sous la surface. Nous nous embrassons avec fougue. Nous remontons à la surface chaque fois que notre organisme le réclame, mais le ravissement nous emporte toujours sous l’eau. Il est des instants magiques sur lesquels même le temps ne saurait avoir de prises ! Je vis en plein rêve et je m’étonne sans cesse d’éprouver tant de bonheur.

La tête hors de l’eau, nos étreintes deviennent encore un peu plus intenses. Hugo me soulève et me prend toute entière dans ses bras vigoureux. Il me porte jusqu’au bord de la plage. Lorsqu’il me repose, il m’allonge et vient s’étendre à mes côtés. Les vagues, dans leur va-et-vient cadencé, rythment nos ébats langoureux. J’ai faim de sa peau, de ses caresses, de sa bouche qui me dévore sans relâche ! Son regard si tendre me rend complètement folle ! J’en veux toujours plus ! Je refuse que cela s’arrête ! Hugo m’appartient pour une durée limitée ; et j’ai bien l’intention de savourer chaque instant avec lui !

Le soleil commence à décliner lentement, bientôt, il fera nuit. En même temps, le désir retombe. Main dans la main, nous en profitons pour faire une promenade. Silencieux, nous longeons la mer ; être ensemble nous comble de bonheur. Hugo arbore, comme à son habitude, son beau sourire ravageur. Je m’accroche douloureusement à lui, gravant dans ma mémoire le moindre de ses traits, de ses gestes. Il m’aime, je l’aime, tout va pour le mieux. Nous sommes si bien ensemble ! Je refuse de penser à l’échéance qui me l’enlèvera à nouveau. Mais cette idée, sournoise, attend son heure pour me ronger.
La nuit déroule, trop vite à mon goût, son grand manteau noir peuplé d’étoiles. Hugo me fait alors signe de le suivre. Il semble aussi excité qu’un enfant.

Durant une demi-heure environ, nous traversons la forêt d’arbres tropicaux. Elle s’avère dense mais accueillante. La main de mon fiancé suffit à écarter les branches qui se dressent sur notre chemin. À chaque fois qu’il se retourne, il me sourit, visiblement impatient. Lorsqu’enfin le périple touche à sa fin, il me fait face et se met derrière moi.

— J’ai une surprise pour toi, ma chérie ! Ferme tes yeux, s’il te plaît ! murmura-t-il à mon oreille.

Je lui obéis, sans me faire prier. Sa joie et son impatience sont communicatifs ; je veux lui faire plaisir aussi. Ses deux mains se plaquent sur mes yeux, « pour être sûr » me certifie-t-il. Il presse son corps contre le mien, m’obligeant à avancer à l’aveugle. Mais je ne ressens aucune peur. Avec lui, je pourrais aller jusqu’au bout du monde.

Pendant notre périple, je sens son souffle chaud près de mon cou, j’entends les battements de son cœur, et je me laisse emmener je ne sais où. Lorsqu’il m’indique que nous sommes arrivés à destination, j’accueille la nouvelle avec joie et soulagement. La marche a été pénible pour moi. Il m’accorde enfin le droit d’ouvrir les yeux pour voir où nous sommes. Ses mains emprisonnent ma taille et j’aime le contact de sa peau contre la mienne. Enthousiaste, il m’observe, guettant ma réaction. J’ai besoin de quelques secondes pour que mes yeux s’adaptent à la nuit sans lune qui nous entoure. Des lanternes désignent le chemin, bordant de part et d’autre un petit sentier fait de sable et de rondins de bois. Sur une dizaine de mètres, la petite montée mène à une maison de taille réduite sur pilotis. Entièrement en bois et en verre, je la trouve très belle. Les grandes parois vitrées dévoilent un peu l’espace intérieur. Le bois doit très certainement faire partie des essences exotiques. Il brille à la lueur des lanternes et cela lui confère un air presqu’irréel. Un escalier, dont la rampe s’agrémente de lianes fleuries multicolores, mène à la porte d’entrée. En l’empruntant, un parfum enivrant envahit mes narines, et soudain je pénètre un monde nouveau. Tout est fait pour me plaire ; je m’y sens si bien ! Hugo, juste derrière moi, continue de m’observer, me dévorant des yeux. Je perçois la chaleur de son regard sur moi ; nul besoin de me retourner pour vérifier ! En haut de l’escalier, un ravissant petit balcon offre une vue magnifique sur la forêt tropicale. J’ouvre la porte, impatiente. Le sol se dérobe, brusquement, sous mes pieds, avant d’avoir pu franchir le seuil. Hugo, très fier de lui, me tient fermement dans ses bras. Il me fait entrer, blottie contre son torse, les bras autour de son cou. Il m’embrasse passionnément.

— Bienvenue chez nous, mon amour ! Tu verras, nous serons bien ici. Ce sera un séjour inoubliable !

Il me sourit, rayonnant d’un bonheur sans nuage. Mon cœur tressaille et la peine m’envahit. Non, jamais je ne pourrais oublier ces quelques jours - mes derniers avec lui !

Mais je ne veux pas gâcher son plaisir. Je prends sur moi et m’oblige à répondre à son sourire. Pendant près d’une demi-heure, nous visitons les lieux. Toujours pelotonnée contre lui, nous entrons dans la grande pièce, lumineuse et agréable. Peu de meubles l’occupent : un canapé moelleux et une table en pin huilé accompagnée de ses deux chaises. En avançant, Hugo me montre la salle de bains rudimentaire mais pratique. Une grande douche pour deux personnes, avec un receveur en bois, et un tuyau suspendu relié à un pommeau pour l’arrivée de l’eau. D’où provient l’eau ? Apparemment, tout a été prévu ! Juste au-dessus, une échelle meunière indique la présence d’une mezzanine. J’espère secrètement que la chambre à coucher s’y trouve. Hugo me repose à terre et j’y grimpe sans perdre un instant. Je découvre alors un lit à baldaquin géant qui trône en plein milieu de la pièce. Entièrement fait de bambou, sa structure s’agrémente de fins voilages blancs. Un pur enchantement ! J’ai devant moi rien de moins que la chambre de mes rêves ! Pour compléter le tableau, un oculus donne un aperçu de la forêt à l’arrière de la cabane.

Hugo écarte d’un mouvement rapide les voilages. Le lit se révèle encore plus grand ainsi, presque carré. Mon amoureux me soulève encore et m’allonge sur le lit. Je sens le désir renaître et m’inonder de ses vagues brûlantes. La lueur brillant dans son beau regard m’annonce ses intentions. Il veut dans la même chose que moi ! Prenant place à mes côtés, il lève la tête vers le plafond. Surprise, je l’imite. Un immense dôme vitré dévoile la perfection du ciel noir scintillant çà et là ! Magnifique ! Je n’arrive pas à en croire mes yeux ! Tout est parfait. Sans doute trop ! Je ne peux goûter pleinement à ce bonheur parfait ! J’essaie, mais le couperet tombera toujours trop vite pour moi !
Le désir flamboie encore, envahissant et salvateur, pourtant mon cœur saigne déjà. Je dois tout oublier, essayer de vivre avec ; et tant pis si le chagrin m’anéantit lorsque viendra l’heure de se séparer ! Pour le moment, Hugo se tient à mes côtés. Je refuse que mes angoisses me fassent perdre une seule seconde avec lui. Il me prend la main et me contemple. Perdue dans mes pensées, je refuse de m’absenter plus longtemps. Je me jette fougueusement dans ses bras, le désir et le besoin irrépressible d’oublier tout le reste se mêlant. Dans ses bras, j’oublierais tout ! Je veux qu’il m’emmène hors de moi ; là où mon cerveau ne peut plus m’atteindre. J’ai envie de ses bras, de ses caresses, de ses baisers ! Et comme s’il lisait en moi, il me fait l’amour comme jamais. Finalement, je me perds en lui, savourant mon plaisir.
Il sait me surprendre, m’attirer encore plus loin, pour mieux me redécouvrir. Il connaît mon corps et sait en jouer avec habileté. Lorsque le désir s’apaise enfin, la fatigue reprend le dessus. Hugo me serre alors tendrement dans ses bras et s’endort. La journée fut longue et riche en émotions. A mon tour, je sombre dans un demi-sommeil. La tête sur son épaule, une main contre son torse, je me laisse bercer par les battements de son cœur. Même si je préférerais le regarder dormir.
Dehors, loin de notre refuge, le vent souffle dans les arbres, les vagues se fendent sur les rochers inébranlables ou viennent lécher la plage de sable fin. Mais pour moi, rien de tout cela n’existe. Seulement Hugo et moi. Je m’endors sans m’en rendre compte. Je ne rêve pas, cette première nuit. Je n’en éprouve pas le besoin. Mes rêves, je les vis ! J’ai retrouvé celui que je pleurais. Et maintenant je suis déterminée à apprécier mon bonheur, même éphémère.


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